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SAND George - Lettre autographe à Gustave Flaubert : ""Étroniforme est le mot sublime qui classe cette espèce de végétaux merdoïdes""

Nohant 21 décembre 1867, 13,4x20,7cm, deux feuillets sous chemise et étui. Lettre autographe de George Sand adressée à Gustave Flaubert datée du 21 décembre 1867, 8 pages sur deux feuillets rempliés. Publiée dans la Correspondance, XX, pp. 642-645. Issue d'une des plus belles correspondances littéraires du siècle, cette lettre écrite à la veille de Noël 1867 est un sublime témoignage de la franche amitié entre George Sand, le «?vieux troubadour?» et Gustave Flaubert baptisé «?cul de plomb?» après avoir décliné son invitation à Nohant pour achever l'Éducation sentimentale. Malgré les dix-sept ans qui les séparent, leurs tempéraments opposés et leur conception de la vie divergentes, le lecteur est saisi par la tendresse mais aussi l'étonnante verdeur de cette longue confidence de George Sand. Alors au faîte de sa gloire littéraire et à la joie de son théâtre de Nohant, Sand s'entretient longuement de politique, de leur séparation, de leur conception du travail d'écrivain, de la vie même. Dans cette lettre à l'allure de «?courant de conscience?», Sand couche naturellement et librement sur le papier huit pages de conversations avec l'écrivain, qui ne fait que de trop rares et brèves apparitions à Nohant?: «?Mais comme je bavarde avec toi?! Est-ce que tout ça t'amuse' Je le voudrais pour qu'une lettre de causerie te remplaçât un de nos soupers que je regrette aussi, moi, et qui seraient si bons ici avec toi, si tu n'étais un cul de plomb qui ne te laisses pas entraîner, à la vie pour la vie?», tandis que chez Flaubert, alors plongé dans l'écriture de l'Éducation sentimentale, la devise est plutôt l'art pour l'art. Cette fin d'année 1867 est marquée par la douleur de la disparition d'un «?presque frère?», François Rollinat, que Sand apaise par ses lettres à Flaubert et les soirées animées à Nohant?: «?Voilà comme je vis depuis 15 jours que je ne travaille plus. [...] Ah'?! quand on est en vacances, comme le travail, la logique, la raison semblent d'étranges balançoires?». Sand lui reprochait volontiers de travailler sans relâche dans sa robe de chambre, «?l'ennemi de la liberté?», alors qu'elle, courait par monts et par vaux, de Cannes à la Normandie, jusque sur les terres de l'écrivain qu'elle avait visitées en septembre. À cette occasion, Sand avait relu avec bonheur Salammbô dont quelques lignes se retrouvent dans Mademoiselle Merquem, sa dernière œuvre en date. Leur amitié littéraire et virile, comme celle avec Rollinat, défia toute la vieille garde des littérateurs qui affirmaient l'impossibilité d'une liaison sincère entre l'homme et la femme. Sand, qu'on a tour à tour qualifié de lesbienne, de nymphomane, rendue célèbre pour ses amours retentissantes et si diverses, entame une longue et riche correspondance avec Flaubert pour qui elle est une mère et un vieil ami. Le «?vieux troubadour?» ou «?vieux cheval?» ne se considérait même plus comme femme, mais comme un être quasi-homme, rappelant ses travestissements de jeunesse et son formidable mépris des barrières entre les sexes. À Flaubert qui avait écrit à celle qu'on surnomma la «?papesse des gynandres?»?: «?Pour mieux tirer à l'arc, elles s'écrasaient le téton?», en évoquant les Amazones?; Sand répond «?Je ne suis pas dans ton idée qu'il faille supprimer le sein pour tirer l'arc. J'ai une croyance tout à fait contraire pour mon usage et que je crois bonne pour beaucoup d'autres, probablement pour le grand nombre?». Guerrière certes, mais guerrière pacifique, Sand a volontiers adopté les usages d'un monde de lettrés misogynes, tout en ayant su rester elle-même?: «?Je crois que l'artiste doit vivre dans sa nature le plus possible. À celui qui aime la lutte, la guerre?; à celui qui aime les femmes, l'amour?; au vieux qui, comme moi, aime la nature, le voyage et les fleurs, les roches, les grands paysages, les enfants aussi, la famille, tout ce qui émeut, tout ce qui combat l'anémie morale.?» ajoute-t-elle ensuite. Belle évocation de sa «?période verte?», ce passage consacre le temps des romans champêtres de Sand, qui, assagie par les années, s'était tout entière livrée à la contemplation pour l'écriture de François le Champi, La Mare au diable, et La Petite Fadette. Mais son amour de la nature ne l'a pas empêché de conquérir sur les hommes le terrain du langage, elle qui encore à 63 ans «?scandalisait les inscandalisables?», selon les frères Goncourt. Fidèle à ses idéaux socialistes, elle laisse libre cours à son aversion pour Adolphe Thiers «?Étroniforme est le mot sublime qui classe cette espèce de végétaux merdoïdes [...] Oui, tu feras bien de disséquer cette âme en baudruche et ce talent en toile d'araignée?!?». Devenu le chef de l'opposition libérale au Second Empire de Napoléon III, Thiers venait de prononcer un discours affirmant la défense des États pontificaux et faisant volte-face à Garibaldi, futur père de la patrie italienne. On avait en effet bien ri à Nohant de la logorrhée de Flaubert, envoyée trois jours auparavant?: «?Rugissons contre Monsieur Thiers?! Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois?!?» écrit-il. Sand renchérit sur le même ton et décline le néologisme?: «?Maurice trouve ta lettre si belle [...] Il n'oubliera pas étroniforme, qui le charme, étronoïde, étronifère?». Dans ce contexte d'intense polémique, Sand met également en garde Flaubert, qui court le risque de reléguer son œuvre au statut de roman de circonstance en incluant sa critique de Thiers dans l'Éducation sentimentale?: «?Malheureusement quand ton livre arrivera, il sera peut-être claqué et peu dangereux, car de tels hommes ne laissent rien après eux. Mais peut-être aussi sera-t-il au pouvoir. On peut s'attendre à tout. Alors, la leçon sera bonne.?» Leurs aspirations socialistes et leur anticléricalisme ne les empêchent pas d'entretenir des avis très divergents sur l'essence du roman et le travail de l'écrivain?: «?l'artiste est un instrument dont tout doit jouer avant qu'il joue des autres. Mais tout cela n'est peut-être pas applicable à un esprit de ta sorte qui a beaucoup acquis et qui n'a plus qu'à digérer.?». Le détachement de Flaubert, son cynisme affiché pour ses personnages à l'instar de Madame Bovary, sévèrement jugée par le narrateur, se distinguait nettement du rapport affectif et personnel de Sand à l'écriture. Cette attitude presque schizophrène de Flaubert la confond volontiers et lui fait craindre pour sa santé mentale?: «?Je n'insisterais que sur un point, c'est que l'être physique est nécessaire à l'être moral et que je crains pour toi un jour ou l'autre une détérioration de la santé qui te forcerait à suspendre ton travail et à le laisser refroidir.?» Flaubert ne se trahit et ne se révèle jamais à travers ses romans, au contraire de Sand, qui se jette corps et âme dans ses œuvres?: «?Je crois que l'art a besoin d'une palette toujours débordante de tons doux ou violents suivant le sujet du tableau?». Alors que Flaubert, besogneux et pétri d'angoisses littéraires, est reclus à Croisset, Sand jouit cependant de sa liberté à Nohant, lieu de félicité familiale mais aussi de vie égalitaire où elle «?[s']amuse à en être éreintée?». Elle troque volontiers les séances de tête à tête avec l'encrier pour les planches du petit théâtre à Nohant?: «?Ces pièces-là durent jusqu'à 2 h du matin et on est fou en sortant. On soupe jusqu'à 5 h. Il y a représentation deux fois par semaine et le reste du temps, on fait des trucs, et la pièce (qui) continue avec les mêmes personnages, traversant les aventures les plus inouïes. Le public se compose de 8 ou 10 jeunes gens, mes trois petits-neveux et les fils de mes vieux amis. Ils se passionnent jusqu'à hurler.?». Persévérante, elle incite une nouvelle fois son «?cul de plomb?» à sortir de sa retraite forcée?: «?Je suis sûre que tu t'amuserais follement aussi, car il y a, dans ces improvisations, une verve et un laisser-aller splendides, et les personnages sculptés par Maurice ont l'air d'être vivants, d'une vie burlesque, à la fois réelle et impossible?; cela ressemble à un rêve.?» Deux ans plus tard, Flaubert fera une entrée fracassante à Nohant et Sand en sortira «?courbaturée?» après des jours de fête. Le Normand fit la lecture intégrale de son Saint-Antoine et dansa la cachucha habillé en femme?! Exceptionnelles pages de George Sand en communion spirituelle avec son illustre confrère?; Flaubert fut l'un des seuls à qui elle s'adressa aussi librement, crûment, mais tendrement, scellant par les mots sa profonde amitié avec le «?grand artiste [...] du petit nombre de ceux qui sont des hommes?» (lettre à Armand Barbès, 12 octobre 1867). Notre lettre est présentée sous une chemise en demi maroquin noir, plats de papier caillouté, contreplat d'agneau velours noir et en regard garde de plexiglas protégeant la lettre, étui bordé de maroquin noir, plats de papier caillouté, ensemble signé P. Goy & C. Vilaine. - Nohant 21 décembre 1867, 13,4x20,7cm, deux feuillets sous chemise et étui. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] Autograph letter from George Sand to Gustave Flaubert dated December 21, 1867, 8 pages on two lined leaves. Published in Sand's Correspondance, XX, pp. 642-645. From one of the finest literary correspondences of the century, this letter written on Christmas Eve 1867 is a sublime testament to the frank friendship between George Sand, the ""old troubadour"", and Gustave Flaubert, christened ""cul de plomb"" [leaden ass] after declining his invitation to Nohant to complete L'Éducation sentimentale. Despite their seventeen year-age gap, opposing temperaments and divergent outlooks on life, the reader is gripped by the tenderness and astonishing verve of George Sand's long confession to Flaubert. At the height of her literary fame and enjoying her theater in Nohant, Sand talks at length about politics, their separation, their conception of the writer's work, and life itself. In this ""stream-of-consciousness"" letter, Sand naturally and freely sets down on paper eight pages of conversations with Flaubert who made only too rare and brief appearances in Nohant: ""But how I chat with you! Do you find all this amusing? I'd like a letter to replace one of our suppers, which I too miss, and which would be so good here with you, if you weren't a cul de plomb [leaden ass] who won't let yourself be dragged along, to life for life's sake"", whereas Flaubert's motto, then busy writing L'Éducation sentimentale, was rather art for art's sake. In the end of 1867, Sand grieved the death of an ""almost brother"", François Rollinat, which Sand appeased with letters to Flaubert and lively evenings at Nohant: ""This is how I've been living for the last 15 days since I stopped working [...] Ah'! [...] Ah! when you're on vacation, work, logic and reason seem like strange swings."" Sand was quick to criticize him for working tirelessly in his robe, ""the enemy of freedom"", while she was running up and down mountains and valleys, from Cannes to Normandy, even to Flaubert's own home, which she had visited in September. On this occasion, Sand had happily reread Salammbô, where she picked up a few lines for her latest novel, Mademoiselle Merquem. Their literary and virile friendship, similar to Rollinat's, defied the old guard of literati who declared the existence of a ""sincere affair"" between man and woman utterly impossible. Sand, who has been described in turn as a lesbian, a nymphomaniac, and made famous for her resounding and varied love affairs, began a long and intense correspondence with Flaubert, for whom she was a mother and an old friend. She called herself in their letters ""old troubadour"" or ""old horse"" and no longer even considered herself a woman, but a quasi-man, recalling her youthful cross-dressing and formidable contempt for gender norms. To Flaubert had compared the female writers as Amazons denying their femininity: ""To better shoot with the bow, they crushed their nipples"", Sand replied in this letter: ""I don't share your idea that you have to do away with the breast to shoot with the bow. I have a completely opposite belief for my own use, which I think is good for many others, probably for the majority"". A warrior, yes, but a peaceful warrior, Sand willingly adopted the customs of a world of misogynistic intellectuals, while remaining true to herself: ""I believe that the artist should live in one's nature as much as possible. To the man who loves struggle, war; to the man who loves women, love; to the old man who, like me, loves nature, travel and flowers, rocks, great landscapes, children too, family, everything that moves, everything that fights moral anemia,"" she then adds. A fine evocation of her ""green period"", this passage marks the time of Sand's country novels, when, mellowed by the years, she gave herself over entirely to contemplation to write François le Champi, La Mare au diable and La Petite Fadette. But her love of nature didn't stop her from conquering language over men, even though at 63 she was still ""scandalizing the inscandalizable"", according to the Goncourt brothers. Faithful to her socialist ideals, she openly criticizes Adolphe Thiers in the letter: ""Étroniforme [shithead] is the sublime word that classifies this species of merdoïde [shitty] vegetation [...] Yes, you'll do well to dissect this balloon-like soul and this cobweb-like talent!"" As the leader of the liberal opposition to Napoleon III, Thiers had just delivered a speech in defense of the Papal States, turning his back on Garibaldi, future father of unified Italy. Everyone in Sand's home of Nohant had had a good laugh at Flaubert's logorrhea, sent three days earlier: ""Let us roar against Monsieur Thiers! Can one see a more triumphant imbecile, a more abject scoundrel, a more etroniform [shit-like] bourgeois!"" he wrote. Sand echoed his sentiments: ""Maurice [Sand] finds your letter so beautiful [...] He won't forget étroniforme, which charms him, étronoïde, étronifère"". Against this backdrop of intense political debates, Sand also warned Flaubert, who risked jeopardizing his novel by including his criticism of Thiers in L'Éducation sentimentale: ""Unfortunately when your book arrives, [Thiers] may be over and not very dangerous, for such men leave nothing behind. But perhaps he will also be in power. You can expect anything. Then the lesson will be a good one."" Their shared socialist and anti-clericalist opinions did not prevent them from holding widely divergent views on the essence of the novel and the work of the writer: ""the artist is an instrument which everything must play before it plays others. But all this is perhaps not applicable to a mind of your kind, which has acquired a great deal and only has to digest"". Flaubert's detachment, his open cynicism for his characters, like a Madame Bovary harshly judged by the narrator, differed sharply from Sand's emotional and personal relationship to writing. Flaubert's almost schizophrenic attitude readily confused her and made her fear for her sanity: ""I would insist on only one point, and that is that physical being is necessary to moral being, and that I fear for you one day or another a deterioration of health that would force you to suspend your work and let it cool down."" Flaubert never betrays or reveals himself through his novels, unlike Sand, who throws herself body and soul into her writing: ""I believe that art needs a palette always overflowing with soft or violent tones, depending on the subject of the painting"". While Flaubert, hard-working and full of literary anxieties, was secluded in Croisset, Sand enjoyed her freedom at Nohant, a place of family bliss but also of egalitarian living, where she ""[had] fun to the point of exhaustion"". She willingly swapped tête-à-tête sessions with the inkwell for her little theater in Nohant: ""These plays last until 2 a.m. and we're crazy when we get out. We eat until 5 am. There are performances twice a week, and the rest of the time, we do stuff, and the play (which) goes on with the same characters, going through the most unheard-of adventures. The audience consists of 8 or 10 young people, my three grand-nephews and the sons of my old friends. They're passionate to the point of screaming"". Persevering, she once again urged her ""leaden ass"" Flaubert to come out of his voluntary confinement: ""I'm sure you'd have a wonderful time too, for there's a splendid verve and carelessness in these improvisations, and the characters sculpted by Maurice seem to be alive, with a burlesque life, at once real and impossible; it's like a dream."" Two years later, Flaubert would make a sensational entrance at Nohant, and Sand would leave ""aching"" after days of partying. During his memorable stay at Sand's he read his Saint-Antoine aloud in its entirety and danced the cachucha dressed as a woman! Exceptional pages of George Sand in spiritual communion with her illustrious colleague; Flaubert was one of the few to whom she spoke so freely, crudely, but tenderly, sealing in words her deep friendship with the ""great artist [...] among the few who are men"" (letter to Armand Barbès, 12 October 1867). Our letter is housed in a half-black morocco folder, with marbled paper boards, facing pastedown in black lambskin felt, Plexiglas protecting the letter, black morocco-lined slipcase, marbled paper boards, signed P. Goy & C. Vilaine.
EUR 10000.00 [Appr.: US$ 10421.54 | £UK 8313.25 | JP¥ 1613013] Book number 71232

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Librairie Le Feu Follet
31 rue Henri Barbusse, 75005 Paris, France Tel.: +33 (0)1 56 08 08 85
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